La question est légitime, en ces temps où les Québécois se font encourager à acheter local: « Cellule Familiale est-elle une entreprise familiale » ? La réponse courte est: oui! Mais toute cette question nous a lancé sur des discussions intéressantes et j’aimerais résumer ici quelques points qu’il nous semble important de soulever.
Propriétaires Québécois = achat local
On nous demande souvent d’où viennent nos produits. Comme pratiquement toutes les entreprises d’ici, nous avons des fournisseurs qui viennent de partout ; du Québec, du Canada, des États-Unis, d’Haïti, de la Chine. Ce n’est pas parce qu’une entreprise d’ici a des fournisseurs qui ne sont pas d’ici que ça signifie que cette entreprise n’est pas Québécoise. Bombardier fabrique des véhicules avec des pièces qui viennent de partout autour du monde. Dollarama est une entreprise québécoise accomplie qui vend des produits majoritairement chinois. Cela ne l’empêche pas de donner des emplois à de nombreuses personnes qui vivent au Québec, qui payent des taxes ici et qui dépensent leur argent ici.
Nous sommes nés au Québec et nous vivons au Québec avec notre humble famille de bientôt six enfants. Lorsque nous réalisons des profits (c’est-à-dire après avoir payé les frais de transaction Paypal, les fournisseurs, la publicité, les logiciels et autres licences, les assurances et plein d’autres frais qu’exigent l’opération d’une entreprise), nous les dépensons à l’épicerie du village, à la pharmacie, chez le garagiste du coin. Parfois, on se gâte en achetant un produit artisanal d’ici. Nous ne sommes pas riches, bien au contraire. Je vous avoue même que ce mois-ci sera le premier mois en un an où nous n’aurons pas besoin d’aide alimentaire. Puisque notre entreprise, comme toutes les entreprises en ligne, a pris un élan très bienvenu, nous laisserons la place à une autre famille qui en a besoin durant ces temps difficiles. Mais à la fin, si nous avons fait 5000$ de profits, nous les dépenserons ici, c’est inévitable.
Je ne dis pas ça pour faire pitié. Je le dis seulement pour répondre à ceux qui nous ont traité de profiteurs parce que nous vendons une tasse arc-en-ciel à 20$. Si vous vous reconnaissez, sachez que juste la livraison de la tasse coûte 10$. Merci Postes Canada de rendre nos entreprises d’ici moins compétitives…
Le piège des dons remis à partir des profits
J’ai souvent un grand malaise quand je vois une entreprise promettre de remettre à un organisme une partie des profits qu’elle réalisera dans le cadre d’une campagne de publicité. Souvent, je me demande:
- « Une partie » des profits, c’est combien? Qu’est-ce qui est calculé comme une dépense à déduire des ventes brutes pour parvenir à des profits? L’entreprise est-elle en train d’utiliser le nom et la crédibilité d’un organisme pour faire des milliers de dollars en profit pour ensuite remettre des grenailles à cet organisme? Règle générale, plus une entreprise est de petite taille, plus ce don promis est de la poudre aux yeux. À l’inverse, quand les grandes entreprises telles que Tim Horton’s ou McDonalds s’engagent à verser des sommes aux camps d’été ou au manoir Ronald McDonald, on peut être certains que les chiffres seront transparents et que les oeuvres se réaliseront.
- Les dons remis par les organismes sont déductibles d’impôts. Soyez assurés que ça fait partie du calcul.
- Que fera l’organisme avec les dons reçus? Les employés de cet organisme sont-ils bien payés? Saviez-vous que le directeur-général de Centraide touche entre 200 000$ et 250 000$ par année? [1]
- Les entreprises qui ne promettent pas de remettre une partie de leurs profits sont-ils égoïstes et avares?

Rien n’indique que le boucher de votre quartier ne donnera pas de son argent personnel à l’organisme de son choix, même s’il n’a pas dépensé des centaines de milliers de dollars pour le dire à tout le monde. Les entrepreneurs sont souvent des personnes généreuses et impliquées dans leur communauté. Je n’ai jamais vu une campagne de publicité pour dire que lorsque vous achetez des produits Cordon Bleu, une partie des profits sera remise à des oeuvres de charité. Et pourtant, M. Ouellet, le propriétaire de l’entreprise, était un ami personnel de sainte Mère Teresa de Calcutta et un grand donateur à son oeuvre, pour ne nommer qu’elle. Quant à nous, nous donnons de notre temps et de notre argent aux oeuvres que nous choisissons. Si vous voulez soutenir les oeuvres d’un organisme dans lequel vous croyez, il n’y a rien de tel que de sortir votre chéquier et de donner à la hauteur de votre capacité!
La dignité du travail
Les employés d’ici sont mieux payés qu’en Chine, en Inde, au Pakistan, en Équateur ou encore au Niger, par exemple. Ils sont même mieux payés que dans d’autres provinces canadiennes. Audrée et moi avons lancé notre entreprise parce que la dignité du travail est une valeur fondamentale pour nous. Nous croyons qu’avoir un travail devrait être un droit humain. Lorsqu’une personne travaille, elle développe ses talents et s’accomplit, elle s’intègre dans sa société et elle subvient aux besoins de sa famille. Peu importe où elle est née et où elle habite, le besoin de travailler chez l’humain dépasse la nécessité alimentaire. Nous sommes fiers d’acheter des chandails qui ont été fabriqués en Haïti. Pour nous, il ne s’agit pas ici de profiter de la faiblesse de l’économie de pays plus pauvres. Nous pensons plutôt à toutes ces familles qui, grâce à d’autres entreprises situées dans des pays où l’économie a crû depuis plus longtemps, que des familles auront du pain sur la planche et nous en sommes fiers.
Bien sûr, nous sommes fiers de travailler avec des fournisseurs québécois tels que Nous le Savon. Sylvie fait des produits d’une qualité exceptionnelle et nous sommes fiers de les offrir à des gens de partout à travers le monde. Nous sommes également fiers de travailler avec Print Geek, une imprimerie située à Concord, en Ontario. Ces gens-là travaillent aussi forts que nous. Je voudrais dénoncer ici l’hypocrisie du slogan « acheter bleu » alors que le gouvernement du Canada remet 2000$ par mois à chaque personne qui a perdu son emploi à cause du covid19. En ce temps de crise où nous profitons de la force économique canadienne pour soutenir des familles réparties sur 10 provinces et 3 territoires, nous ne devrions pas dédaigner d’encourager des entreprises situées dans l’une ou l’autre de ces provinces ou des ces territoires.
Les familles d’ailleurs sont des familles qui méritent notre considération
Pour nous, il n’y a rien de mal à acheter des produits en Chine ou en Haïti, car toutes les familles du monde entier méritent d’avoir un travail. Puisque nous ne sommes pas riches, nous n’avons pas toujours les moyens d’acheter des produits artisanaux d’ici qui coûtent deux fois plus cher que ceux importés d’ailleurs. Nous devons faire des choix. Que chaque pays vende à un prix honnête les produits fabriqués chez lui à un autre qui est prêt à l’acheter, il nous semble que ce soit ça, la véritable mondialisation à échelle humaine. Nous encourageons le plus possible, à la hauteur de nos moyens et de nos valeurs, des entreprises qui vendent des produits dont nous avons besoin. Lorsque nous réalisons des profits, ce qui n’est pas toujours un automatisme, nous les utilisons pour subvenir aux humbles besoins de notre famille ; c’est-à-dire nous loger, nous nourrir et nous vêtir. Bref, nous sommes de vrais entrepreneurs Québécois!
